« vivre en pleine conscience, ralentir son pas, goûter chaque seconde et chaque respirations, cela suffit » Thich Nhat Hanh
comme il est difficile aujourd’hui de prendre le temps de vivre, tout simplement. Les uns courent après le succès, les autres après la reconnaissance. D’autres encore s’essoufflent à « joindre les deux bouts », là où d’autres encore se divertissent à chaque « moment de libre » pour éviter l’ennui ou pour se donner l’impression de croquer la vie à pleines dents.
La compétition nous entoure et pour celui ou celle qui dit tout simplement « STOP », un chemin de désintoxication plus ou moins long s’impose; nous sommes tellement habitués à la performance, depuis l’enfance, que de reprendre les rennes de nos vies en mains peut nous sembler un véritable chemin de croix.
J’ai pour ma part une grande facilité de contact avec les petits enfants; nous nous comprenons et nous nous respectons naturellement. Lorsque je suis en leur présence, je vis dans la spontanéité et l’authenticité et nous profitons ensemble de ce qui se vit à ce moment là. Un tout petit enfant, lorsqu’il joue, place toute son attention dans le jeu, lorsqu’il mange il avale goulument ou vous recrache sa purée à la figure de suite, toute son attention prise par le goût de l’aliment. Bref, un tout petit enfant, pour moi c’est facile. Puis, en grandissant et en fonction de son éducation, cela se complique; pour peu que l’enfant soit plus ou moins tôt en contact avec la performance et le rythme de vie stressant des parents, le voilà de moins en moins spontané, de plus en plus difficile.
Aujourd’hui, je mangeais avec de jeunes enfants de huit et dix ans. J’essayais tant bien que mal de savourer mon repas, alors que ceux-ci étaient totalement absorbés par autre chose; entre les « mais qu’est ce qu’on va faire cet après-midi? », les « tu connais flying birds? », les « le directeur de l’école est un BIP », les « maman a réservé les vacances en Espagne l’été prochain et il y aura ci et ça », les « oh regarde le lapin » , les coups de coudes, disputes et j’en passe, j’ai senti mon corps se crisper de plus en plus. Impossible de rester dans le goût de ce que je mâchais, la vision du bon plat préparé et la sérénité apportée par le silence. Je me suis surprise à penser que l’autorité de nos ascendants autour du repas était une bénédiction à réinstaurer.
Nos géniteurs ont pensé judicieux d’instaurer les heures de repas, comme étant les « heures où nous sommes tous ensemble pour partager et discuter de choses plus ou moins importantes »… pour moi, avec du recul, cette nouvelle habitude est devenue une calamité, m’empêchant de savourer mes repas au présent. Et encore, en Suisse, nous avons la chance d’avoir de vrais repas, nous avons de ce fait le choix de prendre le temps de manger avec plaisir, dans un endroit calme et de composer des repas équilibrés; il est donc d’autant plus facile de se choisir des conditions idéales pour vivre ces moments en conscience.
Aujourd’hui j’ai choisi d’exprimer mon « coup de gueule » à cette mode du « manger par obligation, sur le pouce et sans conscience ». Lorsque mon corps s’est crispé tout à l’heure à table, j’ai dit fermement sans m’énerver « stop!! maintenant c’est maintenant, est ce que tu peux me dire quel goût a ton plat? qu’est ce qu’il y a dans la sauce à salade à ton avis? combien de fois as tu mâché ton poisson? est ce que tu sens la différence entre le citron et le citron vert? c’est quoi l’épice que tu peux goûter là? » . Les deux paires de yeux ébahis m’ont regardé avec stupeur et leur agitation chronique s’est comme figée; j’ai rajouté « à partir de maintenant, lorsque vous mangerez avec moi, vous mangerez car moi, j’ai choisi de manger en conscience. Vous avez le choix de continuer à faire comme vous y êtes habitués, sachez cependant, que j’ai choisi de manger sans vous dans de telles conditions ».
Et vous? est ce qu’il vous est facile d’être dans le moment présent au moment des repas? est ce que vous arrivez à être totalement présents aux convives tout comme à votre propre assiette? ou courez vous à droite et à gauche pour servir les uns et les autres? arrivez vous à vous fermer aux discours inintéressants tout en savourant vos plats? ou vous laissez vous aspirer dans les histoires des uns et des autres au point de réaliser finalement que vous ignorez tout du goût de ce que vous venez d’avaler?
Aujourd’hui, je me suis dit, que pour commencer à vivre au présent, il est important de se réhabituer à être comme les tous petits enfants : totalement absorbés par ce qu’ils font à ce moment là. Et pour ceux qui ont la tâche éducative, de leur rappeler constamment que le temps qui compte, c’est celui qui se passe maintenant.
cordialement,
Annette
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